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feu mystérieux le précédait toujours, comme pour lui barrer l’entrée du champ de bataille. «  Moi aussi — se disait-il, — je suis un esprit  ; je cherche à rentrer dans mon corps  ; je veux accomplir mon dessein. Tu me purifieras  ; mais tu n’empêcheras pas la réalisation de mon projet. J’ai toujours remporté la victoire contre mes ennemis, malgré les plus grands obstacles. Aujourd’hui je la remporterai sur toi, Esprit du feu  !   » Il dit, et faisant un grand effort, il se lança à travers la flamme mystérieuse… Il sortit comme d’un long ravissement… Il se trouvait assis sur le champ de bataille, adossé à un arbre. Son arc, ses flèches, ses habits, ses ornements, son appareil de guerre, le poteau des braves, tout se trouvait dans le même état et dans la même position où ses soldats l’avaient laissé au jour de la rencontre. Il leva les yeux et vit un grand aigle, perché sur la plus haute branche au-dessus de sa tête. À l’instant il reconnut son oiseau-manitou, le même qui lui était apparu en songe dans son premier jeûne à sa sortie de l’enfance, l’oiseau qu’il avait choisi pour son esprit tutélaire et dont jusqu’alors il avait porté la serre au cou. Son manitou avait soigneusement gardé son corps et avait empêché les vautours et les autres oiseaux de le dévorer. Le Chef se leva et se tint quelques instants debout  ; mais il se trouvait faible et abattu. Le sang de sa blessure avait cessé de couler, et il la pansa. Il connaissait l’efficacité de certaines