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son grand sac de médecine  ; mais elle ne bougea point  ; elle ne lui donna que des pleurs et des gémissements. Il approcha ensuite sa bouche de l’oreille de sa femme et cria : «  J’ai soif  !… J’ai faim  !… Donnez-moi à boire et à manger  !… » La femme crut entendre un sourd bourdonnement dans l’oreille, et en fit la remarque à une de ses compagnes. Le Chef, dans son impatience, la frappa fortement au front  ; elle porta tranquillement la main à l’endroit frappé et dit : «  Je sens un léger mal de tête.  »

Frustré à chaque pas et dans toutes ses tentatives pour se faire reconnaître, le Chef se mit à réfléchir sur ce qu’il avait entendu dire, dans sa jeunesse, par les grands hommes de médecine : il avait appris que quelquefois l’esprit, ou l’âme, quitte le corps et erre çà et là à l’aventure selon son bon plaisir. Il pensa donc que peut-être son corps gisait sur le sol du combat et que son esprit seulement avait accompagné les guerriers dans leur retour au village. Il prit la résolution de retourner par le sentier qu’il avait suivi, à une distance de quatre journées de marche. Les trois premiers jours, il n’eut aucune rencontre. Dans la soirée du quatrième, lorsqu’il approchait du terrain de la lutte, il remarqua un feu au milieu du chemin qu’il suivait. Voulant l’éviter, il changea de route  ; mais le feu, au même instant, prit une autre direction et vint se placer devant lui. Il eut beau essayer d’aller à droite ou à gauche, le même