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était au milieu d’eux  ; il campait avec eux  ; il dormait à leurs côtés  ; il s’éveillait avec eux. Bref, il prenait part à toutes leurs fatigues, à toutes leurs peines, à tous leurs travaux. Tandis qu’il jouissait du bonheur de leur conversation, qu’il était présent à tous leurs repas, aucune boisson ne lui fut présentée pour désaltérer sa soif, aucun mets pour apaiser sa faim. Ses questions et ses demandes restaient sans réponse. «  Guerriers  ! mes braves, — s’écriait-il avec angoisse et amertume, — n’entendez-vous pas la voix de votre Chef  ?…. Regardez  !… Ne voyez-vous pas ma forme  ?…. Vous restez immobiles  ?… Vous semblez ne me voir ni m’entendre  ?… Arrêtez le sang qui coule de la profonde blessure que j’ai reçue  !… Ne souffrez pas que je meure privé de secours  !… que je périsse de faim au milieu de l’abondance  !…. O vous, braves, que j’ai si souvent conduits à la victoire, qui avez toujours obéi à ma voix, déjà vous semblez m’oublier  !… Une goutte d’eau pour étancher ma soif  !… Une bouchée pour apaiser ma faim  ! Dans ma détresse, vous osez me les refuser  !  !  !…  » À chaque relais, il leur adressait tour à tour ses supplications et ses reproches  ; mais en vain. Personne ne comprenait ses paroles. Si les guerriers entendaient sa voix, c’était pour eux comme le passage ou le murmure d’un vent d’été à travers le feuillage et les branches de la forêt.

Enfin, après un long et pénible voyage, le parti de guerre arriva sur le sommet d’une côte qui