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Les Potowatomies disent que Chipiapoos, ou l’Homme-mort, est le grand manitou qui préside au pays des âmes et qui entretient le feu sacré pour le bonheur de tous ceux de sa race qui y arrivent. J’en ai parlé déjà. Voir mes Voyages dans l’Orégon, p. 333[1]

Le feu est, chez toutes les tribus indiennes que j’ai connues, l’emblème du bonheur. Il s’allume toujours avant chacune de leurs délibérations. Avoir éteint le feu des ennemis veut dire, chez les sauvages, avoir remporté la victoire. Le caractère sacré qu’ils attribuent au feu se fait remarquer partout, dans leurs usages et coutumes et surtout dans leurs cérémonies religieuses. Ils nourrissent les idées les plus fantasques sur la substance et les phénomènes du feu, qu’ils regardent comme surnaturels. Voir un feu s’élever, dans leurs rêves ou autrement, c’est le symbole du passage d’une âme de ce monde dans l’autre. Avant de consulter les manitous, ou les esprits tutélaires, ou en s’adressant aux morts, ils allument le feu sacré. Cet élément doit sortir d’un caillou, leur venir par la foudre ou de quelque autre manière. Allumer le feu sacré avec du feu ordinaire serait une action considérée à l’équivalent d’une transgression grave et criminelle.

Les Chippeways du nord allument un feu près de chaque nouveau tombeau, pendant quatre nuits de suite. Ils disent que ces flammes symboliques

  1. Édition Devaux et Cie, rue Saint-Jean, Bruxelles, 1874.