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cessé d’aimer le Grand-Esprit, et qu’ignorant des prières plus convenables, ils lui avaient offert chaque jour les prémices du calumet.

Ceci me rappelle un fait assez insignifiant par lui-même, mais qui n’a pas moins été pour moi la source d’une bien vive consolation. À mon arrivée dans la tribu des Brûlés, je fus singulièrement surpris de me voir abordé par un enfant de quinze ans environ, à qui ma présence semblait causer une joie qu’il serait difficile de décrire. Quelques petites caresses, par lesquelles je répondis à cette manifestation si extraordinaire de contentement, me concilièrent si bien son affection que les efforts et les menaces des sauvages qui m’entouraient ne purent le séparer que momentanément de ma personne. À peine l’avait-on éloigné par la violence, qu’un petit détour le ramenait à mes côtés  ; il pénétrait même dans le grand conseil des chefs, où la diplomatie assez expéditive des Brûlés agitait les questions dont mon arrivée au milieu d’eux exigeait la solution. La nuit vint mettre fin aux délibérations de l’assemblée, et dut me soustraire aussi aux incessantes caresses de mon nouvel ami. Son front extrêmement étroit et aplati, son regard niais, ses gestes désordonnés m’avaient bientôt fait comprendre qu’il était du nombre de ces êtres chez qui le défaut de raison est une sauvegarde contre la perte de l’innocence, et je me déterminai à le régénérer le lendemain dans les eaux salutaires du baptême. Je fis donc rassembler toute