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Durant les quinze dernières années de sa vie, Kistalwa exerça les fonctions de grand chef. Dans maintes occasions, il prouva, par sa hardiesse à la chasse des ours, des chats-tigres (poumas) et des buffles, et surtout par sa bravoure à la guerre, qu’il était digne tout à la fois de la haute position qu’il occupait dans sa nation, et du titre de descendant d’une longue suite de chefs et de guerriers illustres. Elevé dans le paganisme, Kistalwa ignorait la religion chrétienne. Il ne voyait dans ces blancs qui visitaient sa tribu que les usurpateurs des terres de ses ancêtres, qui sans cesse le refoulaient plus avant dans des régions inconnues  ; que des agents d’un gouvernement qui, peu à peu, et à mesure qu’il étendait son vaste empire, parviendrait à la fin à exterminer toute la race indienne. Il voyait s’introduire au milieu des siens des hommes qui, avec une apparence d’amitié, venaient leur tendre la main, leur adressaient des paroles douces et flatteuses, encourageaient les Indiens à boire les liqueurs, ou l’eau de feu, les enivraient pour mieux les tromper, et fomentaient partout les vices les plus abjects. Il avait été témoin des fatales influences que ces hommes pervers et hypocrites exerçaient dans sa tribu. Est-il donc surprenant qu’il haït non-seulement ces individus, mais jusqu’à la religion à laquelle ils prétendaient appartenir, jusqu’au nom de chrétien qu’ils osaient porter  ? Comme le vieux Amilcar, père d’Annibal, Kistalwa ne cessa d’inspirer au