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du monde si l’état moral du pays correspondait au prodigieux développement de ses ressources matérielles, à la progression ascendante du nombre de ses habitants, à l’immensité de son territoire, à la prospérité toujours croissante de son commerce. Il y a à peine soixante et dix ans que tout le pays à l’ouest des monts Alleghanys, pays maintenant si peuplé, n’était qu’un vaste désert, où erraient çà et là à l’aventure quelques faibles tribus sauvages, décimées par les guerres et les maladies. Sur les eaux de ces fleuves qui arrosent tout le milieu du continent, et où se croisent aujourd’hui des centaines de grands et splendides bateaux à vapeur, pleins de passagers, surchargés de marchandises, on ne voyait alors que le canot solitaire, fait d’un tronc d’arbre, descendant ou remontant péniblement le courant, portant sa petite bande de guerriers sauvages, couronnés de plumes d’aigle et de vautour, et armés d’arcs et de massues grossières. Maintenant le long de ces eaux s’élèvent, comme par enchantement, des centaines de villes et de villages. Partout des champs cultivés avec leurs fermes et leurs granges remplies de grains  ; partout des troupeaux de bœufs et de chevaux, paissant sur les collines et dans les plaines naguère couvertes d’épaisses forêts. Des chemins de fer et des routes pavées mènent à des colonies sans nombre répandues dans l’intérieur du pays. L’Anglais, l’Irlandais, l’Allemand, le Français, des émigrés de tous les pays de l’Eu-