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Une autre version delaware dit que le Grand Esprit a suspendu une grappe de belles baies rouges vers le milieu du pont des âmes, pour éprouver la vertu de ceux qui le franchissent dans leur voyage au pays de la vie. Le sauvage actif et infatigable à la chasse, le sauvage courageux et victorieux à la guerre, n’est point attiré par la vue de la grappe  ; il continue sa marche sans y faire attention. Le paresseux et le lâche au contraire, tenté par la beauté des baies, s’arrête et étend la main pour les saisir  ; mais aussitôt la poutre qui forme le pont s’affaisse sous ses pas  ; il tombe et se perd à jamais dans le gouffre ouvert pour le recevoir.

Les Delawares croient que l’existence du Bon et du Mauvais Esprit date d’une époque si éloignée, qu’il est impossible à l’homme d’en concevoir le commencement  ; que ces esprits sont immuables et que la mort n’a point d’empire sur eux  ; qu’ils ont créé les manitous, ou esprits inférieurs, qui jouissent, comme eux, de l’immortalité. Ils attribuent au Bon Esprit l’existence de tous les bienfaits dont ils jouissent sur la terre : la lumière, la chaleur du soleil, la santé, les productions variées et bienfaisantes de la nature, leurs succès à la guerre ou à la chasse, etc. ; c’est du Méchant Esprit que leur viennent toutes les contrariétés et tous les malheurs : l’obscurité, le froid, le mauvais succès à la guerre ou à la chasse, la faim, la soif, la vieillesse, la maladie et la mort.