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pête ; la vase ne se mêle point à leurs eaux transparentes ou cristallines. Les oiseaux aquatiques, la loutre, le castor et les poissons de tout genre y abondent. Le soleil éclaire sans cesse le pays de la vie  ; un printemps éternel y règne. Les âmes bienheureuses qui y sont admises reprennent toutes leurs forces et sont préservées de maladies  ; elles ne sentent pas de fatigue à la chasse ni aux autres exercices agréables que le Grand Esprit leur accorde  ; elles n’ont jamais besoin de chercher le repos.

Le Yoon-i-un-guch, au contraire, qui environne le pays de la vie, est une eau profonde et large  ; elle présente tout à la fois une suite affreuse de cataractes et de gouffres, où le bruit incessant des flots est épouvantable. Là, sur un immense et âpre rocher, qui s’élève même au-dessus des vagues les plus hautes et les plus turbulentes, se trouve la demeure du Mauvais Esprit. Comme un renard aux aguets, comme un vautour prêt à fondre sur sa proie, Wàka-Cheêka veille sur le passage qui mène les âmes au pays de la vie. Ce passage est un pont si étroit, qu’une seule âme à la fois peut le traverser. Le Mauvais Esprit se présente, sous la forme la plus hideuse, et attaque chaque âme à son tour. L’âme lâche, indolente, trahit bientôt sa bassesse et se prépare à prendre la fuite  ; mais, au même instant, Cheêka la saisit et la précipite dans le gouffre béant, qui ne lâche plus sa victime.