Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/278

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toute la nuit. Le lendemain, Tchatka se présenta de nouveau au bureau de M. Denig, et fut pris d’un léger crachement de sang. On voulut l’engager à prendre un remède, mais il le refusa en disant : — «  Tout est inutile. Désormais la vie m’est devenue insupportable. Je veux et je dois mourir, je vous l’ai dit.  » — Peu après, il sortit du fort avec les autres Indiens, et se rendit sur les bords de la rivière. Il eut bientôt une seconde hémoptysie plus violente que la première. On le plaça sur un traîneau pour le transporter dans le camp indien  ; mais avant d’y arriver, il tomba sur le bord du chemin, en proie aux convulsions les plus horribles. Ce fut, selon toutes les apparences, le poison qui termina aussi sa triste carrière, ce poison qu’il avait donné lui-même dans une foule d’occasions à ses malheureuses victimes, durant le cours de sa longue et coupable administration comme chef.

Le corps inanimé de ce trop fameux sauvage fut porté en grande cérémonie dans le village indien, situé à vingt-deux milles de distance du fort. Toute la tribu assista à ses funérailles. Le cadavre, après avoir été peinturé, paré des plus bizarres ornements et enveloppé dans une couverture écarlate et une belle peau de buffle brodée en porc-épic,[1] fut élevé et attaché entre deux branches

  1. Cette expression est en usage parmi les voyageurs canadiens. Les longs piquants du porc-épic ressemblent à des plumes non taillées  ; les femmes sauvages en tirent une espèce de fil, qu’elles emploient pour broder les habits.