Page:De Smet - Lettres choisies,1875.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seulement, escortaient un waggon de marchandises destinées à la compagnie des pelleteries. Du moins, ils avaient l’intention de piller ce convoi et de mettre à mort un des voyageurs, sous prétexte qu’il venait du pays des Pawnées, où un de leurs guerriers avait perdu la vie. Je vous donne ici la formule laconique du raisonnement d’un de ces barbares, tandis qu’il couchait en joue sa victime. «  Mon frère a été tué par un Pawnée. Tu es l’ami reconnu des Pawnées. Je dois le venger par ta mort, ou recevoir en chevaux ou en couvertures la dette (valeur) de son corps.  »

Voilà malheureusement où en sont réduites les idées de justice chez les sauvages. Un Indien a-t-il été tué par un blanc, tout homme de la même tribu se croit en droit d’user de représailles envers le premier blanc qu’il rencontre, quel que soit le pays qui ait vu naître celui-ci, ou de quelque partie du monde qu’il arrive.

J’avais pris les devants  ; mais au premier signal d’alarme, je fis volte-face vers le lieu du danger. Aussitôt l’air retentit des cris répétés : La Robe noire arrive  ! la Robe noire arrive  ! La surprise et la curiosité arrêtent l’œuvre de pillage. Les chefs demandent des explications et donnent aussitôt aux spoliateurs l’ordre de se tenir en respect et de rendre ce qu’ils avaient déjà volé  ; ils se pressent alors autour de moi pour me serrer la main (cérémonie qui dura longtemps, car ils étaient plus de six cents) et nous conduisent en