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présent. Plusieurs occupaient à peu près le même rang dans la tribu et partageaient le pouvoir avec Istagon, de sorte que celui-ci n’appliqua pas à lui-même l’annonce de mort qui venait d’être faite si mystérieusement. Une ressentait point encore les effets du plat empoisonné et n’avait pas même le moindre soupçon à ce sujet. Chacun se retira dans sa propre loge  ; mais bientôt de noires appréhensions commencèrent à troubler les esprits et une vive agitation s’empara des cœurs. Quelle serait la victime annoncée  ?

Vers minuit, on vint apprendre au Gaucher que son oncle était très-malade et désirait absolument lui parler. L’oncle soupçonnait la noire perfidie de son neveu et avait résolu, tandis qu’il en avait encore la force, de l’étendre mort à ses pieds. Le rusé Tchatka répondit à l’envoyé : — «  Allez dire à Istagon que ma visite lui serait inutile. Je ne puis, d’ailleurs, dans ce moment quitter ma loge et mon Wah-kon.  »

Sur ces entrefaites, un tumulte général et une grande confusion s’élevèrent dans le camp  ; la consternation était universelle. Au plus fort de ses horribles convulsions et avant qu’elles lui eussent ôté l’usage de la parole, Istagon déclara aux braves accourus les premiers à son appel, qu’il regardait Tchatka comme l’auteur de sa mort. Ils jetèrent aussitôt des cris de rage et de vengeance et se précipitèrent vers la loge du chef pour donner suite à leur courroux. Tchatka, ému et triste en ap-