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ils furent choisis pour faire partie de la bande des députés et promirent publiquement, selon l’usage, d’oublier toute vengeance privée  ; en secret ils revinrent à leur premier dessein, prévoyant que l’excursion fournirait le moyen de les dédommager du double meurtre de leurs frères.

On s’avança lentement  ; on usa de beaucoup de précautions, et on les redoubla surtout à mesure qu’on s’approchait du camp des Pieds-Noirs. Arrivés à la distance d’une journée, les Corbeaux se séparèrent en bandes de deux ou trois pour battre la campagne et s’assurer si des partis Pieds-Noirs ne se trouvaient point en dehors du village. Dans l’entre-temps les deux frères Corbeaux, armés comme de coutume et marchant ensemble, découvrirent deux Pieds-Noirs, qui revenaient de la chasse avec plusieurs chevaux chargés d’une forte quantité de viande de buffle. Ayant avec eux un calumet, les Corbeaux s’avancèrent hardiment vers leurs ennemis et le leur présentèrent, comme on fait en pareille occurrence. Les Pieds-Noirs acceptèrent le calumet et apprirent qu’une grande députation de Corbeaux allait se rendre à leur village avec des intentions pacifiques. Les deux frères agirent avec tant d’habileté, qu’après quelques instants les deux Pieds-Noirs furent entièrement rassurés, ne conçurent pas le moindre soupçon, et n’eurent pas la plus légère inquiétude. Un des Pieds-Noirs fit présent de son fusil à l’un des Corbeaux, et l’autre donna son cheval au second