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tumulte et de désordre à bord. C’était une lutte à qui descendraient les premiers dans les esquifs et en prendraient possession. Heureusement on n’eut pas besoin de ce moyen de sauvetage. Tandis que la plupart se croyaient perdus, — et j’étais de ce nombre, — le navire flotta de nouveau dans quelques brasses d’eau et s’arrêta bientôt sur un rocher. Nous étions sauvés  !

Immédiatement après notre naufrage, le brouillard se dissipa et nous découvrîmes alors, pour la première fois et à notre joyeuse surprise, que la terre n’était éloignée de nous que d’une centaine de pas. La mer était calme, le vent tombé et le soleil radieux. C’était le retour du beau temps, qui nous avait quittés depuis le Havre  ; il continua de régner jusqu’à notre arrivée au Missouri.

Nous eûmes le bonheur de sauver nos malles, nos sacs dé voyage et toutes nos caisses. La perte du navire, avec une partie de sa cargaison, fut évaluée à près de 3 000 000 de francs.

Plusieurs de nos compagnons de voyage étaient des juifs, des infidèles, et des protestants de toutes les nuances, quelques-uns fortement imbus de préjugés contre notre sainte religion et surtout contre les Jésuites. Aucuns même attribuèrent le désastre maritime qui venait de les frapper, à notre présence sur le Humboldt  ; aussi firent-ils au capitaine la proposition «  de nous forcer à nous éloigner d’eux le plus tôt possible.  » Ils y furent pour leurs frais de mauvaise plaisanterie.