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grand prix. Chaque soir on l’attachait au piquet par une longue et forte corde  ; mais dans une de ces épouvantes causées par l’approche des loups, il s’élança avec tant de vélocité à la suite des chevaux qui passaient à ses côtés, qu’arrivé au bout de la corde il se rompit le cou.

Dans une course si longue, par des régions si singulièrement variées, on éprouve assez souvent deux graves inconvénients : le manque d’eau et de bois. Plus d’une fois, nous n’eûmes pour alimenter notre feu que la fiente sèche de buffle. Trois fois l’eau nous manqua au lieu de notre campement : c’est une rude épreuve pour l’homme et pour son coursier, surtout après toute une journée de marche, sous le soleil brûlant du mois d’août. Une espèce de tourment encore moins supportable, dans ces moments où la chaleur se fait plus vivement sentir, c’est l’apparence de lacs et de rivières fantastiques qu’on voit au bout de l’horizon, et qui semblent inviter le voyageur épuisé à venir renouveler ses forces sur leurs rives  ; le besoin et la fatigue ne laissent entrevoir au loin que verdure, ombrage et fraîcheur. L’illusion ajoute encore au désir d’étancher la soif qui vous dévore. Vous pressez le pas pour arriver au terme  ; les heures se succèdent  ; le mirage trompeur devient de plus en plus brillant, et toujours le voyageur s’avance haletant, sans soupçonner même que le fantôme fuit devant lui. Dans une région ouverte et élevée, où l’atmosphère est toujours en