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nous trouvâmes soudain en face d’une pente presque perpendiculaire de roche et d’argile blanche, où nous eûmes à descendre nos voitures à force de bras. Nous entrâmes ensuite dans une chaîne de vallons et de prairies fertiles arrosées par des fontaines et des ruisseaux, embellies par le cotonnier, l’orme, le frêne, le cèdre et le pin. Dans d’autres endroits, la crête des côtes est remarquable par la beauté et par la richesse des sites où abonde la verdure.

Le quatrième jour de notre voyage, nous aperçûmes des milliers de buffles. Tout l’espace entre les rives du Missouri et celles de la Roche-Jaune en était couvert à perte de vue. Jusqu’alors les maringouins nous avaient beaucoup tourmentés, tandis que là ils avaient entièrement disparu. Nous cherchâmes la cause de ce phénomène ; les sauvages nous dirent que l’absence de nos ennemis ailés avait pour cause la présence du nombre prodigieux de buffles qui paissaient dans les plaines d’alentour et qui attiraient ces insectes. Nous vîmes en effet ces nobles animaux se débattre’en se jetant, avec leurs cornes et leurs pieds, de la terre sur le corps, ou en se roulant dans le sable et la poussière qui montait dans l’air comme un nuage. Le sort de ces animaux paraît bien pénible. Ils sont torturés jour et nuit. Pendant toute une semaine, nous entendîmes leurs mugissements, semblables au bruit du tonnerre qui gronde dans le lointain, ou aux vagues de la mer qui se brisent