Les cendres d'un trésor, que mon âme a perdu :
Hélas si ma douleur n'est sans force et sans armes,
Souffrez que je mêle mes larmes,
À ces cendres pleines de charmes, [1430]
Et que ce triste bien, me soit au moins rendu.
En cette funeste aventure,
Je ne veux point que la nature
Fasse un nouveau miracle en faveur de l'amour :
Et que de cet amas de cendre et de poussière, [1435]
Elle revienne à la lumière,
Avec sa beauté première,
Me redonner la vie en reprenant le jour.
Accablé de maux si funestes,
Je veux les pitoyables restes, [1440]
D'un corps rempli d'appats, d'un chef d'oeuvre si beau :
Je veux que cet objet, pour qui mon coeur soupire,
Pour qui mon triste coeur expire,
Après la perte d'un empire,
Lui qui fut sans bonheur, ne soit pas sans tombeau. [1445]
Je veux mêler à cette cendre,
Le sang que je m'en vais répandre,
Et la mettre en ce coeur, que je m'en vais percer :
Je veux qu'il serve d'urne à cette cendre aimée,
Et que là mon âme enflammée, [1450]
Tâche de la rendre animée,
Par la chaleur du sang, que je m'en vais verser.