Et ces meschans esprits qui perdent les humains,
Tâchent de redonner du courage aux Romains.
Quoy, leur dit le sorcier, et qu’est donc devenuë
La fermeté romaine autrefois si connuë ?
Ayons un cœur plus grand que n’est un si grand mal :
Alaric est plus loin que n’estoit Hanibal :
Non plus que le premier, ce n’est enfin qu’un homme :
Rome alors fut sauvée, et nous sauverons Rome :
N’en desesperons point ; songeons que les Gaulois
Jusques au Capitole ont porté leurs exploits :
Et que du Capitole on les remit en fuite,
En joignant le courage avecques la conduite.
Si nous sommes Romains deffendons nos ramparts :
Peut-on estre vaincu dans les murs des Cezars ?
Plutost dans leurs tombeaux ces ombres glorieuses,
Armeroient de nouveau leurs mains victorieuses.
Mais ces illustres morts sont vivans dans vos cœurs :
Ils vainquirent enfin, et vous serez vainqueurs :
Ces Goths, ces mesmes Goths, domptez par vos ancestres,
S’attaquent vainement aux enfans de leurs maistres :
Ainsi sans plus songer aux maux qu’on a souffers,
Ne songeons plus qu’à vaincre, et preparons des fers.
L’on voit desja la fin de la saison ardente,
Et le commencement de l’automne abondante :
Et pour peu que nos cœurs fassent agir nos mains,
L’hyver viendra bien-tost au secours des Romains.
Comme au cry d’un oyseau tous les autres s’assemblent,
Par la peur du faucon sous qui leurs troupes tremblent,
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