Et l’ordre general qu’on voit regner par tout,
Excuse ma foiblesse, ou plutost m’en absout.
Le foible esprit humain est un roseau fragile :
Aussi bien que la mer il est tousjours mobile :
Ce qui fit ses plaisirs fait apres son tourment ;
Et tout le monde entier change eternellement.
Ainsi, belle Daphnis, voyant nostre avanture,
Au lieu de m’accuser, accusez la nature :
Elle veut conserver sa puissance et ses droits ;
Elle est reyne absoluë, et mon cœur suit ses loix.
Lors que je vous aymé, son pouvoir fut extrême :
Quand je cesse d’aymer, il l’est encor de mesme :
La beauté fit mes feux ; la beauté les esteint ;
Vous blessastes mon cœur comme une autre l’atteint ;
J’eusse quitté pour vous les yeux d’une immortelle ;
Par la mesme raison je vous quitte pour elle ;
Vous fustes sans pareille, elle l’est à son tour ;
C’est le mesme merite, et j’ay le mesme amour.
Non, non, respond alors cette belle irritée,
Toy seul és criminel lors que tu m’as quittée :
Le ciel est tousjours bon ; toy tousjours sans bonté ;
Et la cause du mal n’est qu’en ta volonté.
Et quoy, doit-on aymer tout ce qu’on voit aymable ?
Un vice fort commun en est-il moins blasmable ?
L’exemple dangereux doit-il l’authoriser ?
Et la vertu si rare est-elle à mespriser ?
Non, de quelques couleurs que le crime se pare,
Il paroist tousjours crime, et toy tousjours barbare :
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