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Les Délices

Pour détrôner leur Prince, les Conjurés ſe créerent un Tiran, ſous le vain & faux nom de Protecteur de la liberté. Ce parti fut le plus fort, ou le plus heureux. Le ſort des armes ſe déclara en ſa faveur. Sa férocité refuſa la vie à ſon Souverain. Il le massacra inhumainement. Le Tiran crut qu’il y alloit de ſa gloire d’avoir part au massacre ; il trempa ſes mains parricides dans le ſang d’un Prince, qui l’avoit comblé d’honneurs & de bienfaits ; & mit ſur le Trône un enfant, ſous le nom duquel il véquit & agit en Souverain.[1]

    toute leur Artillerie, & tout leur Bagage, qui étoient très-considérables. Cette Bataille ſe donna à Bruſtheim l’an 1467.

    Cette perte força les Liégeois à demander une ſeconde fois la paix ; elle leur fut acordée par la médiation de leur Évêque, & à des conditions, qui auroient dû les contenir dans leur devoir ; mais elle fut auſſi-tôt rompuë ainſi que la précédente. Ce Peuple aveuglé, ſe laiſſant entrainer par les diſcours ſeditieux des ennemis de la tranquilité publique, recommença les hostilités, & contre ſon Prince, & contre le Duc de Bourgogne.

    L’eſprit de ce dernier en fut aigri à un point, que rien ne fut capable de le fléchir. Il ſe préſente aux portes de Liége, à la tête d’une Armée de 40000. hommes. Les Liégeois lui font face pendant quelque tems —, mais ils ſont obligés de céder à la force ; Charles entre dans Liége avec ſon Armée.

    Après en avoir pris poſſeſſion, & y avoir demeuré quelques jours, il la livra au pillage, & enſuite au feu ; les Égliſes & les Maiſons des Chanoines, des Prêtres & des Religieux furent ſeules exceptées. Suivant la plus commune opinion, cinquante mile perſonnes ou environ, de l’un & de l’autre ſexe, périrent de diférentes maniéres.

    Les Monaſtéres, compris dans l’exception du pillage, n’en furent point garantis ; quelques Égliſes ne furent pas plus reſpectées ; preſque tous les lieux circonvoiſins de Liége eſſuïérent le même ſort.

    Le Duc Charles entra dans Liége le 30. Novembre 1468.

    La Ville & les habitans de Dinant, qui s’étoient unis aux Liégeois, avoient été traités en 1466. de la même maniére que le furent Liége, & les Liégeois en 1468.

  1. Le Duc Charles aiant été tué devant Nanci en 1476. Louis de Bourbon, après avoir fait confirmer par le St. Siége tous les Priviléges de l’Égliſe de Liége, rendit au Peuple tous ceux, dont le Duc Charles les avoit privés, & n’oublia aucun des devoirs d’un ſage Prélat et d’un bon Prince.

    Guillaume d’Aremberg, l’un de ſes Vaſſaux qui aſpiroit à la Principauté, avoit tenté, mais inutilement, pendant la vie du Duc Charles, diférens moïens pour faire réuſſir ſon deſſein. Louis de Bourbon avoit non ſeulement eu aſſez de bonté pour lui pardonner toutes les criminelles entrepriſes, mais il avoit encore eu aſſez de générosité pour l’eléver au comble des honneurs & du pouvoir, auxquels un ſujet peut naturellement eſpérer de parvenir.

    Lorſque cet ingrat Favori vit ſon Maître privé de la puissante protection