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du Pais de Liége.

Ce nouveau Jonas ne ceſſa de prier, de jeuner, & de prêcher la pénitence, autant par ſes exemples, que par ſes diſcours. Il fit un voïage à Rome pour engager S. Pierre & S. Paul d’apuïer de leur interceſſion la ferveur de ſes priéres ; mais l’arrêt fatal étoit prononcé. Tout ce qu’il pût obtenir, fut que l’exécution en ſeroit ſuſpenduë : & il reçût ordre de retourner ſur ſes pas, de tranſférer ſon domicile à Maſtricht, & de ſortir inceſſamment d’une Ville, ſur laquelle les plus cruels fléaux de la Juſtice Divine alloient fondre.

Il exécuta avec ſoumiſſion & reſpect l’Ordre du Ciel. Il retourna à Tongres, inſtruiſit ſon Peuple de la viſion qu’il avoit euë à Rome, dans l’Égliſe de S. Pierre ; l’exhorta à continuer de faire pénitence, & à ſoufrir patiemment les maux dont il étoit menacé ; afin que par ſa réſignation aux Ordres du Ciel, il pût obtenir le pardon des oſenſes, qui avoient atiré ſur lui la colére Divine. Il ſortit enſuite de Tongres, & ſe rendit á Maſtricht.

L’on place cet événement en l’an trois cent quatre-vingt-deux ou quatre-vingt-trois, & la mort du Prélat en l’an trois cent quatre-vingt-quatre. Son Corps fut inhumé en pleine campagne auprès d’une chauſſée des Romains. Sa mémoire eſt illuſtre par un nombre infini de Miracles, qui s’opérérent auſſitôt à ſon Tombeau, par ceux qui y furent opérés depuis, & qui s’y font tous les jours.

Ses fréquentes prédictions de la ruine totale de la Ville de Tongres, aiant été acomplies peu de tems après ſon décès, les Évêques qui lui ſuccédérent, tinrent à ſon exemple leur Siége à Maſtricht.

Quelques Hiſtoriens[1] prétendent que l’état déplorable, dans lequel, le Peuple de Tongres ſe trouva après ſa mort, tant par raport aux calamités, qu’il craignoit, que par raport à celles qu’il ſoufrit, n’aiant pas permis qu’on pût lui choiſir un Succeſſeur, le Siége fut vacant pendant un ſiécle entier. D’autres ſoutiennent au contraire, qu’il fut rempli l’an trois cent quatre-vingt-cinq & qu’il n’a été vacant, qu’autant qu’il étoit néceſſaire, pour

  1. Harigére, Gilles d’Orval, Bucher [Diſput. hiſtor. cap. 6.] & Boüille.