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voir, à cause de quelque défaut naturel ; et il y en a de vicieux, qu’un certain air de bonne grâce leur rend aimables : partout nous préférons les riches aux pauvres, quoiqu’ils ne soient pas de meilleure condition, ni si vertueux ; et nous préférons même ceux qui se distinguent par la vaine apparence de leurs habits. Nous exigeons nos droits avec une dure exactitude ; et nous voulons que les autres ne le fassent qu’avec de grands ménagemens : nous tenons notre rang avec une régularité importune ; et nous voulons que les autres soient humbles et condescendans : nous nous plaignons aisément de tout le monde, et nous ne voulons pas qu’aucun se plaigne de nous, nous estimons toujours beaucoup ce que nous faisons pour le prochain, et nous comptons pour rien tout ce qu’il fait en notre considération : en un mot, nous avons deux cœurs, comme les perdrix de Paphlagonie ; car nous avons un cœur doux, charitable et complaisant pour tout ce qui nous regarde, et un cœur dur, sévère et rigoureux pour le prochain. Nous avons deux poids, l’un pour peser nos commodités à notre profit, et l’autre pour peser celles de notre prochain à perte pour lui. Or, comme dit l’Écriture, ceux qui ont les lèvres trompeuses parlent selon un cœur, et selon un cœur, c’est-à-dire, qu’ils ont deux cœurs : et avoir deux poids, l’un fort pour recevoir, et l’autre foible pour livrer ce que l’on doit,