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l’un sur sa langue, et l’autre dans son oreille ; David parlant des médisans, dit qu’ils ont affilés leur langue comme le serpent, c’est-à-dire, que comme la langue du serpent a deux pointes, selon la remarque d’Aristote, celle du médisant répand son venin d’un seul coup dans le cœur de celui dont il parle. Je vous conjure donc de ne médire jamais, Philothée, ni directement, ni indirectement : gardez-vous bien d’imposer de faux crimes au prochain, ni de découvrir ceux qui sont secrets, ni d’augmenter ceux qui sont connus, ni de mal interpréter les bonnes œuvres, ni de nier le bien que vous savez être en quelqu’un, ni de le dissimuler malicieusement, ni de le diminuer par vos paroles ; car vous offenseriez beaucoup Dieu en toutes ces manières, surtout par celles qui portent quelque mensonge, qui en toutes ces occasions comprennent deux péchés, l’un de mentir, et l’autre de nuire au prochain.

Ceux qui préparent la médisance par des manières de préliminaires honorables, sont les plus malicieux et les plus dangereux. Je proteste, dit-on, que j’aime Monsieur un tel, et qu’au reste, c’est un galant homme ; il le faut pourtant avouer, il eut tort de faire une telle perfidie ; c’est une fort vertueuse fille ; mais enfin elle fut surprise. Ne voyez-vous pas le mauvais artifice ? celui qui veut tirer à l’arc,