il en est plusieurs vaines et fausses ; et, sans ce discernement, vous pourriez vous y tromper, en vous amusant vous-même d’une dévotion imprudente et superstitieuse.
Un peintre nommé Arélius, peignoit dans ses figures les femmes pour qui il avoit conçu de l’estime : et c’est ainsi que chacun se peint la dévotion, sur l’idée que lui en forme sa passion ou son humeur. Tel qui s’est attaché à la pratique du jeûne, se croit dévot, pourvu qu’il jeûne souvent, quoiqu’il nourrisse dans son cœur une haine secrète : et tandis qu’il n’ose pas tramper le bout de la langue dans le vin ou même dans l’eau, de peur de blesser la perfection de la tempérance, il goûte avec plaisir tout ce que lui suggèrent la médisance et la calomnie, qui sont insatiables du sang du prochain. Telle s’estimera dévote, parce qu’elle a coutume de réciter tous les jours une longue suite de prières, quoique après cela elle s’échappe dans son domestique ou ailleurs, en toutes sortes de paroles fâcheuses, fières et injurieuses. Celui-là tient toujours sa bourse ouverte aux pauvres ; mais il a toujours le cœur fermé à l’amour de son prochain, à qui il ne veut pas pardonner, Celui-ci pardonne de bon cœur à ses ennemis ; mais payer ses créanciers, c’est ce qu’il ne fait jamais, s’il n’y est contraint. Toutes ces personnes se croient fort dévotes, et peut-être que le monde les croit telles ; cependant elles ne le sont nullement,