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Tout amour n’est pas amitié, puisque l’on peut aimer sans être aimé, et alors il y a de l’amour, et il n’y pas d’amitié ; car l’amitié est un amour mutuel, et s’il n’est mutuel, ce n’est pas amitié. Il ne suffit pas encore qu’il soit mutuel, il est nécessaire que les personnes qui s’aiment connoissent leur affection réciproque, d’autant que si elles l’ignorent, elles auront de l’amour, mais non pas de l’amitié. Il faut en troisième lieu, qu’il y ait entre elles quelque communication, laquelle soit tout ensemble le fondement et l’entretien de leur amitié.

La diversité des communications fonde la diversité des amitiés, et ces différentes communications prennent leur différence de celles des biens que l’on peut se communiquer mutuellement : si donc ces biens sont faux et vains, l’amitié est fausse et vaine ; si ce sont de vrais biens, l’amitié est véritable : ainsi son excellence croit toujours à proportion de celle des biens que l’on se communique, comme le meilleur miel est celui que les abeilles vont prendre sur les fleurs les plus exquises ; mais il y a une sorte de miel à Héraclée, ville du Royaume de Pont, qui est un poison si dangereux, que ceux qui en mangent deviennent insensés, parce que les abeilles vont le cueillir sur l’aconit, qui vient abondamment en cette région-là ; et c’est un symbole de cette fausse et