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vais annoncer cela à mon ami, le vicomte de Marsy ; je tiens à le mettre au courant de mes faits et gestes, car je me vois destiné à une vie illustre autant que glorieuse, grâce à mes voyages, et je veux que mon pays sache ce que je deviens, par l’entremise de cet homme estimable.

Les voyageurs s’établirent chacun devant un bureau et comme ils ne doivent pas avoir de secrets pour nous, lisons sans façon par dessus leur épaule ce qu’ils sont en train d’écrire :


Polyphème à Pierrot.

Mon cher ami, quelle trouvaille ! quel trésor que ce Saindoux ! merci mille fois ! Grâce à vous, je vais entreprendre mon tour du monde avec la meilleure pâte d’imbécile !… Il m’amuse déjà tellement que je compte payer toute sa dépense : sa petite fortune n’y suffirait pas et la mienne me permet largement de faire cette générosité. Riche et désœuvré comme je le suis, ces voyages sont ma seule ressource contre l’ennui ; mon précieux Philéas est pour moi, j’en suis sûr, une source de distractions vraiment inépuisable ; bien entendu que, pour ne pas l’humilier, je ferai semblant de ne presque rien dépenser pour lui en route. Je suis ami des plaisanteries, mais je suis avant tout bon enfant et j’aime comme je taquine, franchement. Nous partons demain pour Blidah. Sous prétexte d’affaires, je vais mettre mon gros camarade en face d’un lion ; nous verrons comment il s’en tirera. J’en ris d’avance. Ah ! la bonne tête ! qu’il sera amusant, mon Dieu,