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que je suis devenu en quelques heures d’une force remarquable sur les gestes !

Comme nous approchions de Paris, un voyageur qui paraissait fort obligeant me dit à voix basse : Nous allons arriver à l’instant, Monsieur ; voulez-vous me confier votre montre et votre chaîne, pour que je fasse votre déclaration avec la mienne au commissaire de police ?

— Quelle déclaration ? que je m’exclame tout étonné.

— La déclaration de votre montre et de votre chaîne d’or, me répondit-il. Ces bijoux sont maintenant soumis à une certaine taxe, et si on ne le constatait pas immédiatement, il y aurait une forte amende à payer. Je vois que vous êtes de province, et je veux vous épargner l’ennui de remplir cette formalité. En me donnant dix francs, je paierai la taxe et vous n’aurez aucun désagrément à subir.

— Mais quel drôle d’impôt, Monsieur ! lui dis-je ; pourquoi qu’il est établi ?

— Parce que les gens comme il faut portent seuls des bijoux en or, me répond le monsieur ; on sait, grâce à cela, quels sont les étrangers de distinction qui arrivent à Paris…

(Je ne vous cacherai pas, Monsieur et bon Vicomte, que cette explication me flatta un peu.)

— Vous êtes trop honnête, Monsieur dont je ne sais pas le nom, m’écriai-je, et j’accepte avec plaisir !

— Je m’appelle le comte de Blagueville, répondit le monsieur obligeant.

Tout en lui donnant ma montre, ma chaîne et dix francs pour payer la taxe, je lui laissai mon adresse