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promptement dans un magasin, s’y munit d’une pelisse, d’une casquette et de grandes bottes, le tout des mieux fourrés, et revint chez lui avec Polyphème. Ils avaient mis Sagababa entre eux deux, le petit nègre ayant eu la malencontreuse idée de mettre des bottes deux fois trop grandes et un manteau beaucoup trop long.

Au moment de rentrer, Philéas lâcha tout à coup Sagababa, se jeta sur une dame qui passait et lui frotta les joues à tour de bras avec de la neige…

— Ne bougez pas, ne bougez pas, c’est trista ! lui criait-il en même temps.

— Qu’est-ce que vous faites, malappris ! glapissait la dame en français, êtes-vous ivre ?

Philéas lâcha prise tout à coup et regarda la poignée de neige qu’il tenait… Son visage exprimait une stupéfaction profonde !

— Ah ! mon Dieu, elle est rouge ! dit-il enfin, tandis que Polyphème, poussant Sagababa dans la maison, revenait vers son ami et ne pouvait s’empêcher de rire de sa stupeur et de la figure de la dame.

Elle était étrange, en effet ! la pauvre femme avait la déplorable habitude de se peindre le visage ; elle se mettait du rouge sur les lèvres, du noir sur les cils et sur les sourcils, du blanc partout. Cette dernière teinte avait trompé Philéas, tout imbu de l’idée de sauver ceux qui lui tomberaient sous la main, comme il venait de l’être lui-même.

Saindoux avait donc fort malencontreusement