XXIII
Effets de gelée
Philéas jubilait ! il avait peu à peu, à force de persévérance, appris quelques mots russes qu’il prodiguait à tort et à travers en les estropiant, ce qui amusait énormément Polyphème, car tantôt les Russes riaient franchement au nez de Saindoux, tantôt ils feignaient malicieusement de le comprendre ; ils entamaient alors avec Philéas de longues conversations qui semblaient les intéresser beaucoup. Cela ravissait Saindoux, qui se rengorgeait et recevait majestueusement les éloges de Polyphème, sur son admirable facilité de se tirer d’affaire et de montrer un don rare pour les langues. Il arriva bientôt que Philéas prit l’habitude de mêler à tout propos dans sa conversation quelques mots de la langue qu’il avait soi-disant apprise, et ce charme nouveau ne fut pas perdu pour le malin Polyphème.
— Cher Tueur, quel sont nos projets ? demanda Philéas, un mois après leur arrivée à Moscou.
— Quels projets, mon bon ? dit Polyphème paresseusement étendu sur un canapé.