jeune Russe qui se trouvait dans le même compartiment que les Français. Il y a un arrêt forcé, car j’entends les employés s’exclamer comme s’il était arrivé quelque chose d’étrange. Je vais m’informer.
Le jeune homme se pencha, fit quelques questions et reçut une réponse qui lui fit ouvrir de grands yeux ; il se retourna alors vers ses compagnons intrigués et leur dit :
— Messieurs, notre train est arrêté par les chenilles.
— Par ?… demanda Polyphème abasourdi.
— Par les chenilles, monsieur ; elles entravent notre marche.
— Oh ! les infâmes bêtes ! s’écria Philéas, sortant de la stupéfaction où l’avaient plongé les paroles du Russe. Et comment s’y sont-elles prises pour cela, monsieur, sans vous commander ?
— Nous avons affaire à une véritable légion, monsieur, répliqua le jeune homme en souriant. Les chenilles se sont accumulées de telle façon sur la voie et sur les rails que les roues de la locomotive, puis celles de nos wagons en sont pleines. Devenues gluantes, elles glissent sans pouvoir avancer ; regardez plutôt. Il est facile de vous en rendre compte.
En effet, les voyageurs, pour charmer les loisirs d’une attente forcée, descendaient de wagon et allaient voir par eux-mêmes ce qu’il en était. Nos deux amis en firent autant et constatèrent l’effet bizarre produit par une masse innombrable de chenilles ; il y en avait une épaisseur énorme !