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appela à grands cris et commençait à ameuter la population lorsque Polyphème, arrivant à son tour, apaisa le désordre. Il expliqua à l’hôte ce qui venait de se passer. L’aubergiste se tranquillisa et, sur la demande de Polyphème, alla préparer un dîner particulièrement bon dont il donna un menu appétissant.

Le jeune artiste connaissait à fond le caractère de son compagnon, aussi ne parut-il faire aucune attention lorsque la porte s’ouvrit et que Philéas entra dans la salle à manger, sombre, les traits contractés et gardant un silence farouche. Polyphème continua un croquis en disant négligemment :

— Ah ! c’est vous enfin, mon bon ? tant mieux ! j’ai un appétit féroce. Aussi ai-je veillé au menu, qui vous plaira, j’espère. Tenez, le voilà. Donnez-moi votre avis là-dessus ; vous êtes connaisseur et je ne me consolerais pas d’être désapprouvé par vous.

Les traits de Philéas commencèrent à s’éclaircir ; il prit le menu et lut en silence, mais bientôt une exclamation lui échappa.

— Tout cela est bien choisi ; ce sera délicieux, Tueur ; j’en serais enchanté, si…

POLYPHÈME. — Si quoi ? parlez, voyons ; vous avez quelque chose sur le cœur.

PHILÉAS, reprenant son air soucieux. — Eh bien, si vous ne vous étiez pas moqué de moi ce matin. Je ne peux pas digérer ça, Tueur ! non, je ne le peux pas.

POLYPHÈME. — Vous vous choquez de mes rires, mon cher ? quelle idée ! vous auriez dû faire chorus, au contraire.