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m’as pris ma chevelure. Je vais prendre la tienne, mettre vingt francs dans ta poche, te donner gracieusement un bonnet de coton, un coup de pied quelque part… et nous serons quittes. Pourtant, je te ferais grâce si tu me rendais mes cheveux ; le veux-tu ?

— Non, hurla Crakmort, tout plutôt que de m’en séparer !..

— N’y a pas begeoin de tant crier pour une mauvaige tignache, dit alors la voix tranquille de Narcisse qui était entré sans qu’on s’en aperçût. Vlà vot’perruque, Monchieur Chaindoux ! et v’là l’cas que nouj en faigeons.

Et ce disant, l’Auvergnat jeta dans le feu les cheveux rouges de Saindoux, trésor que le docteur lui avait imprudemment confié.

Un cri de joie et une exclamation désolée accueillirent ce coup de théâtre. Philéas se réjouissait ; le docteur se lamentait tout haut.

— Abominable Narcisse ! disait-il, il fallait garder à tout prix ce trésor scientifique. Ze t’avais investi de ma confiance et tu vas anéantir cet admirable essantillon des bizarreries de la nature…

— Puisqu’il en est ainsi, déclara majestueusement Philéas, je vous lâche et je vous restitue ma parenté, cousin. Plus vingt francs que je vous dois et que je donne à Narcisse.

Celui-ci se confondit en remerciements. On alla chercher les effets épars du triste docteur. On causa, on s’expliqua. Philéas, rasséréné, promit au docteur une mèche de ses cheveux, dès qu’ils repousseraient (s’ils avaient encore une teinte scientifique),