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en voyant le triomphe lui échapper de nouveau, entonna pour couvrir la voix de son adversaire un O Filii et Filiæ

La scène devint alors impossible à décrire. Canonet mugissait ; Rossignol glapissait ; leurs amis communs se disaient des sottises et se battaient pour leur champion. La foule criait, en applaudissant à tout hasard !…

Tout à coup, on entendit Rossignol faire un formidable couic, puis s’arrêter tout court en gesticulant…

Canonet étonné se tut et tout le monde contempla avec stupéfaction le ténor furieux qui, la bouche grande ouverte, faisait des grimaces abominables et tirait la langue, sans pouvoir ni chanter, ni parler.

Philéas, effaré. — Qu’est-ce que tu as, Rossignol ? tu es effrayant à voir, mon pauvre garçon !

Rossignol, désolé. — Couic !… couic !… coui… i… ik !  !

— Là ! j’étais bien sûr qu’il arriverait quelqu’accident, s’écria le docteur Boutié, en sortant de la foule et courant à Rossignol ; vous vous êtes brisé le larynx, imprudent, avec vos folies de chant forcé !

Rossignol, effrayé. — Couic ! couic !… i… ik !…

Le docteur. — Venez, je vais vous donner un traitement à suivre, car votre état est fâcheux et réclame des soins immédiats.

Rossignol, tristement. — Couic !…

Et le docteur emmena Rossignol, consterné et repentant.

Canonet, qui avait bon cœur, était atterré de la