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montant chacun sur un tonneau, se placèrent l’un en face de l’autre.

Entre eux était Saindoux qui, chargé de diriger la lutte, se tenait debout d’un air fier et majestueux.

Philéas. — Mesdames et messieurs, nous voilà tous ici pour juger ces deux talents ; ils désirent savoir lequel chante le mieux. Écoutez bien et pensez qu’il ne faut rien décider précipitamment. Canonet, commencez ; donnez-nous un échantillon de votre belle voix !

Un silence profond s’établit et Canonet entonna un psaume avec des variations composées par lui. Sa voix formidable retentissait avec l’éclat du tonnerre.

Le public extasié applaudit avec frénésie.

Canonet salua et regarda son ennemi d’un air triomphant.

Mais Rossignol commença à son tour un motet à roulades et fit de tels prodiges dans un autre genre, grâce à des sons aigus, suraigus, à des roulades prodigieuses, et à des trilles de toutes sortes, que l’enthousiasme fut porté à son comble. Rossignol rassuré contempla d’un air de pitié la terrible basse.

Canonet était jaloux et furieux ; aussi, au signal de Philéas, sa voix partit-elle comme un ouragan déchaîné. Il hurla un Magnificat de sa composition avec un luxe de poumons tel que les vitres des maisons en tremblaient.

Rossignol répondit au Magnificat par un cantique où il épuisa tous les trésors de sa vocalise ; il lança des sons tellement aigus, que Canonet, hors de lui