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POLYPHÈME. — C’était trop beau pour durer, ces allures. Allons, animal, va donc !

Polyphème piqua la croupe avec son bâton ferré. Le cheval, excité d’un côté, de l’autre retenu solidement par Sagababa, prit le parti de marcher sur trois pieds, laissant en l’air la jambe faite prisonnière par le rusé négrillon. Il alla ainsi en trottinant ; il sautait d’une façon si bizarre que Polyphème fut pris d’un fou rire.

PHILÉAS, rageant. — Il n’y a pas de quoi rire, allez ! Ah ! quelle misère de se trouver ainsi avec une bête éclopée… Elle est jolie, notre promenade ! que faire, Tueur ? Ne riez donc pas si fort, mon ami, cela m’agace ! Quand je vous dis qu’il n’y a pas de quoi ! Tiens, j’ai une idée… Voilà une rivière, faisons baigner le cheval ; l’eau fera du bien à sa jambe et il remarchera.

En disant ces mots, Philéas dirigea le cheval sur la berge… avant que Sagababa ait pu se rendre compte de ce qui se passait, il avait de l’eau jusqu’aux oreilles. Aveuglé, effrayé, il tira convulsivement sa ficelle avec une telle force que le cheval recula violemment contre un rocher et fit verser la voiture ; promeneurs et équipage, tout culbuta sur la rive.

En se remettant sur ses pieds, encore tout étourdi de la chute, Philéas regarda machinalement autour de lui.

Quelle ne fut pas sa stupéfaction en voyant le petit nègre à ses côtés ?…

POLYPHÈME, se relevant. — Ah ! tout se découvre enfin ! Ou je me trompe fort, ou ce garnement est