Le petit nègre ne répliqua rien. Il se retira en marmottant : « C’est graine de lin ; maître à moi verra ! »
L’appétit de Philéas n’avait pas disparu malgré sa jambe malade. Son déjeuner fut copieux et il se mit à table le soir, pour dîner, avec un entrain égal à celui du matin.
— Qu’est-ce qu’il y a à manger ? demanda-t-il en dépliant sa serviette. Du bœuf ? Ah ! très bien ; j’aime le bouilli, surtout avec de l’assaisonnement. Sagababa, donne-moi la moutarde, mon garçon… merci.
Quelques instants s’écoulèrent pendant lesquels Saindoux, absorbé, mangeait lentement. Tout à coup, il se retourna vers le négrillon…
— En voilà un idiot ! s’écria-t-il ; il me donne ce matin de la moutarde pour de la graine de lin, et ce soir, de la graine de lin pour de la moutarde !
Chose bizarre… en entendant ces mots, Sagababa, rayonnait…
— Moi avoir raison ; maître à moi, voir ça enfin ! s’écria-t-il. C’être graine de lin de ce matin !
PHILÉAS, abasourdi. — Ça, c’est le cataplasme de ce matin ?
SAGABABA, avec joie. — Oui, maître à moi.
PHILÉAS, suffoqué. — Ce que tu as mis sur ma jambe ?…
SAGABABA, de même. — Oui, maître à moi ; pas farine de moutarde, hein ?
La parole expirait sur les lèvres de Philéas… Il se tourna machinalement vers Polyphème. Ce dernier qui, heureusement pour lui, n’avait pas encore