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extasiés la vue merveilleuse qui les enchantait.

Le soleil régna enfin en maître sur cette montagne splendide et Philéas, revenant à la réalité, demanda au guide s’il n’avait pas oublié les provisions. Son ravissement changea de nature, sans être pour cela moins intense, lorsqu’il vit s’étaler devant lui le déjeuner…

À ses yeux de gourmand émérite s’offraient un grand bol de crème glacée, un pain bis des plus appétissants, un immense fromage de gruyère et deux larges flacons, l’un de vieux Bordeaux, l’autre de Madère.

— C’est sublime ! s’écria-t-il un instant après, la bouche pleine, tandis que Polyphème éclatait de rire devant cet enthousiasme prosaïque.

Mais il n’est si bonne occupation qui ne doive finir. Le repas achevé, Philéas, cédant à la fatigue, s’endormit après avoir (pour se mettre à l’aise, disait-il) ôté ses guêtres, ses souliers et ses bas ; il resta jambes nues, malgré les observations du guide et les plaisanteries de Polyphème. Ce dernier fut bientôt absorbé par une esquisse de la vue superbe qui s’offrait à lui ; le guide et Sagababa causaient entre eux.

Au bout d’une heure de sieste Saindoux se réveilla brusquement en poussant une exclamation douloureuse. Polyphème se retourna.

— Qu’y a-t-il donc ? demanda-t-il.

Philéas geignait en se frottant le mollet gauche extrêmement enflé.

— En voilà une catastrophe ! soupirait-il. On dit