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cette masse de fruits aigres que vous avalez avec tant d’entrain ?

À la voix moqueuse de son compagnon, Saindoux avait dégringolé de l’arbre ; il n’était pas satisfait d’être pris en flagrant délit de gourmandise enfantine et sentait sa dignité compromise.

Aussi fut-ce avec une négligence affectée qu’il répondit :

— Oh ! c’est un simple passe-temps ; je tenais d’ailleurs à aller retrouver mon drôle là-haut pour…

–… lui tenir compagnie, répondit en riant Polyphème, je vois ça, mon cher ! Mais, ajouta-t-il en regardant le soleil qui descendait à l’horizon, savez-vous qu’il se fait tard ? Hâtons notre marche. Ou je me trompe fort, ou nous arriverons après le coucher du soleil dans le village qui nous a été indiqué tout à l’heure.

Philéas héla Sagababa, suivit Polyphème qui s’était déjà remis en marche et les trois compagnons reprirent leur course interrompue.

Polyphème avait dit vrai ; leur halte avait été trop longue et la dernière demi-lieue fut faite presque à tâtons. Ils arrivèrent enfin dans le village ; le silence qui y régnait indiqua combien l’heure était avancée. Ce fut en vain qu’ils parcoururent l’unique rue de l’endroit ; ils ne virent aucune auberge.

Philéas était consterné ! Polyphème prenait la chose en riant, suivant son habitude. Sagababa était désolé… Son estomac criait famine et il entrevoyait la possibilité navrante de se coucher à jeun !

— Que nous sommes bêtes ! s’écria tout à coup Philéas, inspiré par une idée subite.