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avec des efforts et des contorsions terribles un des œufs que lui présentait Philéas.

Canonet. — Hou ! heu ! heu ! satanée coquille ! avec ça qu’elle est d’un dur ! (Il mâche.) Là ! ça va mieux comme ça. (Il respire.)

Philéas, avec empressement. — En voilà un autre, mon ami.

Canonet. — Assez de coquilles, dites donc ! J’avale l’intérieur, voilà tout. Ça suffira.

Philéas, contrarié. — Il fera moins d’effet, aussi.

Canonet. — Nous allons voir. (Il avale un œuf.) À la bonne heure, comme ça. (Il en avale un autre.) Ça va tout seul. (Quatrième œuf.) Comme une lettre à la poste… (Cinquième œuf.) et voilà le sixième qui passe… qui… pouah ! heu ! pouah ! ah ! l’horreur !… (Il crache.)

Philéas, ahuri. — Qu’est-ce que c’est ? qu’est-ce qu’il y a ?

Canonet. — Mais il a cinq ou six ans, cet œuf-là ! oh ! là ! là ! que j’ai mal au cœur !

Philéas, vivement. — Retiens-toi, retiens-toi, Canonet ! Garde tes cinq œufs. Il t’en faut un sixième, d’ailleurs. Le dernier ne compte pas, puisqu’il est mauvais.

Canonet, avec terreur. — Je n’en veux plus. J’en ai assez.

Philéas, affairé, sans l’écouter. — Vite, Gadinet, Rustaud, Brisemiche, un œuf frais, très frais ou nous sommes perdus !

Les amis de Canonet se précipitèrent pour apporter l’œuf demandé ; on cherchait en vain dans la maison voisine, quand on entendit chanter une