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cinq lieues à faire pour arriver à la montagne. Au bas du mont Jolly se trouve un petit village ; notre hôte l’a dit à Sagababa. Il sera très aisé de nous y caser cette nuit ; donc, si vous aimez mieux ne faire l’ascension que demain, ce sera facile. Partons vite, Tueur ; tenez, je vais vous aider.

Et en parlant ainsi, le bouillant Philéas arrachait les couvertures de son compagnon, lui passait dans les jambes les manches de son habit et l’enveloppait dans son pantalon.

Ainsi secoué, tiré, houspillé, Polyphème sortit vite de sa torpeur paresseuse et s’habilla en réparant gaiement les méprises de Saindoux, puis, escortés de l’inévitable Sagababa, les deux amis prirent le chemin que leur indiquait l’hôte.

Mais, pour plaire à son maître, Sagababa l’avait trompé sur la distance qu’ils avaient à franchir pour arriver à leur but. Après avoir fait cinq lieues, les voyageurs se félicitaient d’être au terme de leurs fatigues… Ils apprirent alors d’un passant qu’ils avaient encore une longue course « de deux lieues », dit le paysan en hochant la tête.

— Fichu menteur ! s’écria Philéas en s’élançant vers Sagababa dans l’intention évidente de lui tirer vigoureusement les oreilles…

Mais le petit nègre était très perspicace et avait déjà prévu l’indignation de « maître à moi ». Aussi d’un bond se trouva-t-il hors de portée de la main vengeresse de Saindoux. Il grimpa avec une agilité de singe jusque sur les plus hautes branches d’un énorme prunier qui bordait la route, et là, rassuré sur le sort de ses oreilles, il se mit à manger