L’HÔTE, avec énergie. –… Comme délicatesse, parfum, saveur…
POLYPHÈME, riant. — Ça, ce n’est plus vrai !
L’HÔTE, éclatant. — Et qu’y a-t-il donc d’étrange dans cet animal, monsieur ?
PHILÉAS, indigné. — Mais il y a tout, malheureux ! Ah ! vous osez douter… Eh bien ! mettez-vous ici… (Il le prend violemment par le bras et le fait asseoir à sa place.) Prenez ça (il lui met son assiette devant lui) et mangez-moi ça, si vous l’osez !
Ce fut un vrai coup de théâtre. Polyphème éclata de rire. L’hôte fut subjugué. Sagababa s’épouvanta.
— Oh ! non, maître à moi, s’écria-t-il d’une voix suppliante, pas faire ça !
PHILÉAS. — Ne pas faire quoi, bêta ? tu vois bien que notre hôte va être convaincu par lui-même. Allons ! mon hôte, qu’en dites-vous ? Ah ! ah ! vous vous déconcertez ? je le crois, parbleu, bien ! il s’agit d’avaler, à présent…
En effet, l’hôte, après avoir pris à la hâte une bouchée de l’aile de volaille placée devant lui, avait paru stupéfait et faisait de vains efforts pour déguster le dindon.
Devant ce lamentable spectacle, le cœur naturellement bon de Sagababa n’y tint plus. Se jetant à genoux près de Philéas, il commença, d’une voix basse et entrecoupée, sa terrible confession, baissant les yeux pour ne pas rencontrer les regards du formidable Saindoux.
Polyphème riait aux larmes ; l’hôte avait les yeux écarquillés ; Philéas levait les bras au ciel.
— Mais a-t-on jamais vu ! s’écria-t-il, drôle, polisson !