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de la flamme ; elle alla s’abattre, mourante, sur un rocher, où elle expira après quelques courtes convulsions. À peine Philéas put-il constater ce premier succès. L’aigle mâle, un moment repoussé par la flamme, se jetait sur lui avec une rage nouvelle, lorsque Saindoux, arrachant son manteau accroché dans une crevasse, l’en enveloppa brusquement. Malgré les serres puissantes et le bec formidable de l’oiseau, l’épais tissu résista et fut maintenu par Philéas qui trépignait frénétiquement sur son dernier ennemi.

Les cris de l’aigle n’étaient rien auprès de ceux de Sagababa ; à demi grimpé sur le rocher où se passait cette scène, il s’égosillait à hurler : « Ils dévorent maître à moi ! ils dévorent maître à moi !… »

Pendant ce temps, Polyphème avait dégringolé de son poste et s’était lancé à la suite de Sagababa. Mais, arrêté par ce dernier qui restait immobile de terreur, il lui tirait vainement les oreilles pour se faire livrer passage et courir au secours de Philéas.

Il respira en voyant ce dernier ramasser l’aiglon et descendre du rocher.

PHILÉAS. — Victoire ! mes amis, j’ai encore vaincu ; j’arrache cet innocent à ses féroces et hideux parents et j’en enrichis une collection naissante. Tiens, Sagababa, voilà le fruit de mon triomphe ; voilà une dépouille apime, comme disaient les illustres Romains. Eh bien ! à qui est-ce que je parle ici ? prends donc cet animal, imbécile…