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bondir des chameaux, de les tuer au vol, pour ainsi dire, et il grimpa courageusement pour se rendre à son poste, c’est-à-dire au sommet d’un pic énorme, plein de crevasses et d’aspérités. Il y était à peine depuis un quart d’heure, s’impatientant de ne pas voir les fameux chameaux. (Il ne daignait pas faire attention à quelques animaux sveltes, rapides et charmants, que Polyphème, lui, ne méprisa nullement et dont il abattit le plus beau.) Le gros Saindoux ouvrit tout à coup de grands yeux, fit des signes à son ami, puis disparut dans une crevasse en poussant des cris de triomphe. Polyphème fut très intrigué. Aller rejoindre Philéas était difficile. Il lui fallait redescendre du poste qu’il s’était choisi, pour grimper ensuite près de Saindoux, et il balançait sur ce qu’il devait faire, lorsque des cris furieux l’alarmèrent sérieusement et lui firent comprendre la terrible imprudence que venait de faire son ami.

Deux immenses aigles fendant les airs arrivaient à tire d’ailes, prêts à fondre sur Philéas, qui réapparaissait tenant dans ses bras un jeune aiglon ; l’animal se débattait et ses cris plaintifs avaient attiré les parents.

— Garde à vous, Philéas, garde à vous ! s’écria Polyphème, justement effrayé.

Avec la rapidité que donne la terreur, le pauvre Saindoux rejeta l’aiglon dans l’aire, et avant que Polyphème eût pu deviner ses projets de défense, Philéas avait enflammé quelques allumettes et brandissait une torche faite en un clin d’œil, avec l’intérieur de l’aire. L’aigle femelle, qui s’était jetée sur Saindoux, ne put échapper à l’action dévorante