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Sagababa. — Moi, vouloir bien, beau blanc.

Philéas, flatté. — Il est très poli, ce moricaud ! Faisons vite cette course, mon ami ; je veux revenir promptement pour ne pas faire attendre mon illustre compagnon.

Saindoux et Sagababa partirent d’un pas rapide. Philéas oubliait ses puces et, chemin faisant, questionna Sagababa sur sa position.

— Moi suis seul, dit le petit nègre avec émotion. Pauvre Sagababa s’enfuir de chez maître méchant, loin d’ici ; marcher beaucoup, souffrir faim, soif ; venu ici travailler, apprendre un peu français. Moi aime bien hommes français. Bons, grands, généreux ; voudrais servir toi ! serais si content ! t’aimerais tant !

Philéas, avec bonté. — C’est bien difficile, mon pauvre garçon ; en attendant, cherchons des fruits ; nous voilà à l’entrée d’un joli bois qui doit avoir…

Un épouvantable rugissement, un véritable tonnerre éclatant à cent pas des promeneurs interrompit Philéas. Au cri du fauve, Sagababa terrifié, mais toujours leste comme un chat, bondit dans un arbre.

Philéas ne pouvait suivre le petit nègre ; il se précipita vers un rocher voisin au moment où un lion énorme, l’œil en feu, la crinière hérissée, se battant les flancs avec sa queue, paraissait à la lisière du bois, rugissant avec fureur !… À cette vue, Saindoux, excité par la peur, devint leste comme Sagababa et grimpa sur un énorme rocher avec une telle rapidité que le fauve, malgré quelques immenses bonds, n’arriva pas à temps pour le saisir…