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XVIII



Aucunes gens ne me finent de dire[1]
Pour quoy je suis si malencolieuse,
Et plus chanter ne me voyent ne rire,
4Mais plus simple qu’une religieuse,
Qui estre sueil si gaye et si joyeuse.
Mais a bon droit se je ne chante mais :
7Car trop grief dueil est en mon cuer remais.[2]

Et tant a fait Fortune, Dieu lui mire ![3]
Qu’elle a changié en vie doloreuse
Mes jeux, mes ris, et ce m’a fait eslire
11Dueil pour soulas, et vie trop greveuse.[4]
Si ay raison d’estre morne et songeuse,[5]
Ne n’ay espoir que j’aye mieulx jamais ;
14Car trop grief dueil est en mon cuer remais.

Merveilles n’est se ma leesce empire ;
Car en moy n’a pensée gracieuse,
N’autre plaisir qui a joye me tire.[6]
18Pour ce me tient rude et maugracieuse
Le desplaisir de ma vie anuieuse,
Et se je suis triste, je n’en puis mais ;
21Car trop grief dueil est en mon cuer remais.

  1. B A. g. si ne me font que d.
  2. B C. t. grand. d.
  3. B Car
  4. B et paine t. g.
  5. A1 m. et soigneuse
  6. B N’aucun