Ne me devez doncques bouter arrière
Combien qu’a moy si haulte honneur n’affiere,[1]
Quant en penser n’ay en nulle manière
Chose villaine,
Ne ne croiez, dame, que vous requière[2]
Ne que jamais en ma vie je quiere
Chose nulle dont vostre honneur acquière,
Soiez certaine,
Blasme en nul cas ne nulle riens mondaine
Ou vostre honneur ne soit entière et saine,
Ma doulce amour, ma dame souveraine,
Et la lumière
De mon salut qui me conduit et meine
A joyeux port, trés noble tresmontaine,
Ne vueilliez pas vers moy estre hautaine[3]
N’a ma priere.
Et s’il vous plaist, trés belle, a ottroier[4]
Mov vostre amour, sanz la me desvoier[5]
Et que j’aye si trés noble loier
Par vous servir,
Je vous promet a du tout emploier
Et cuer et corps, et moy tout avoier
A vous servir sanz jamais anoyer,[6]
Pour desservir
Si hault honneur : je m’y vueil asservir,
Et loiaulté vous promettre et pleuvir ;
Et quant ainsi m’y vueil du tout chevir,[7]
M’en envoier
Honteux et maz par escondit ouïr
Ne me vueilliez, pour ma vie ravir,
Et pour mes jours faire tost assovir,
N’en plours baignier.
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