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Pour acquérir de hault honneur la targe ;
Homme noble, suis la, je t’acertaine :
S’ainsi le faiz, tu seras preux et saige.



LI


Trop sont divers et merveilleux les tours
De l’inconstant, double et faulsse Fortune ;
Car ses maulx sont moult loncs, et ses biens cours ;[1]
Nous le voyons, et c’est chose commune,
Dont je ne voy pourveance fors qu’une
Contre elle ; c’est que l’omme soit si saige
Qu’il n’ait des biens d’elle leece aucune,[2]
Et ait ou mal fort et poissant couraige.

Veoir pouons que tout vient a rebours
Souvent aux bons par sa fellasse enfrune,[3]
Et aux mauvais, sans desserte ou labours,
Rent bon guerdon, mais de deux voyes l’une :
Ou reconfort ou lenguir en rencune ;
Prendre conseil convient si qu’homs se targe[4]
De bon espoir, quoy qu’elle luy soit brune,[5]
Et ait ou mal fort et poissant couraige.

Car puis que ses joyes ne font qu’un cours
Par le monde general en commune
Que nous veons plus souvent en decours
Sus les greigneurs rneismes que n’est la lune,
Homme ne doit les prisier une prune,
Mais, s’ilz viennent, pensser qu’en petit d’aage[6]
Perdre on les puet, seurté n’y ait aucune,
Et ait ou mal fort et poissant couraige.

  1. LI. — 3 A1 et se b. c.
  2. — 7 A2 es b.
  3. — 10 A2 fallace
  4. — 14 A2 P. c. si c. q.
  5. — 15 A1 que elle
  6. — 22 A2 pense