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En sortit, me couvrant et la face et le bec ;
D’un second trait, hélas ! je me sentis percée,
Par le milieu du corps à la planche fixée ;
Et ce fut en riant que l’un de mes bourreaux
Le tira violemment, m’arrachant les boyaux.
À ce récit affreux tu frémis, ah ! ma chère !
Eh bien, ce ne fut pas la fin de ma misère ?
Il en partit encor trois, quatre, cinq, dix !
Enfin tu vois l’état dans lequel ils m’ont mis,
Que leur avons-nous fait ? toi, moi, pauvres chouettes ?
Que du bien, nous mangeons les souris, les belettes,
Sais-tu pour quel motif leur fureur les conduit ?
Nous leur portons malheur ! nous voyons clair la nuit !
Pitié, pitié, pitié ! ah, ma sœur ! ah, la tête !
En achevant ce mot la malheureuse bête
Dans le corps éprouva de vils tressaillemens,
Et son ame s’en fut du séjour des vivans ;
Elle baissa la tête et ferma la paupière :
Ah oui, c’était bien là sa minute dernière.
Voyant qu’elle expirait, sa sœur poussa un cri
Qui dut troubler au loin le repos de la nuit.
Telle la Niobé, ou plutôt Andromède
Attachée au rocher, criait : à moi, à l’aide,
Telle fit la chouette, et dans ce bel accord
Je ne sais pas des deux qui cria le plus fort.

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