a obligé l’administration à rétrécir le tour. Il arrive pourtant encore que des parents ont la cruauté d’y jeter de pauvres victimes en les frottant d’huile et en les poussant avec force, au risque de les meurtrir et de les blesser. A côté de la buca, vous verrez aussi un tronc sur lequel on lit cette inscription : « Madri che qui ne gettate, siamo recommandati alle vostre limosine — Mères qui jetez ici vos enfants, nous nous recommandons à votre charité » ; triste avertissement des souffrances qui attendent la créature prête à tomber dans cet abîme. L’hospice reçoit de deux à trois mille enfants par année. Les deux tiers, environ, meurent en bas âge ; l’autre tiers demeure à l’Annonciade jusqu’à sept ans. Quelques-uns sont demandés et emmenés par des hôteliers, des patrons de cabarets, des nourrisseurs ou des cultivateurs qui viennent chercher, à ce bazar, des camerieri, des valets d’écurie ou des servantes sans gage dont ils font de véritables esclaves. D’autres enfants plus heureux sont recueillis par des gens dévots ou charitables. A l’âge de sept ans, les garçons vont à l’albergo dei poveri, vulgairement appelé le Sérail, où on les fait travailler. Les filles restent à l’hospice. On leur enseigne divers métiers. Les unes se marient le jour de l’Annonciation, comme vous l’a dit votre barcarolle de ce matin ; les autres vont exercer quelque profession et celles qui ont de la piété entrent dans un couvent.
Il y a environ seize ans, la sœur Sant’-Anna étant de service à la buca pendant la nuit, recueillit une petite fille d’une beauté remarquable. L’enfant paraissait âgée de trois mois et, au lieu de crier comme la plupart de ces pauvres créatures, elle jouait paisiblement