pauvres joueurs qui viennent de jeter leur argent dans ce précipice. Des marchands d’oranges brûlent jusqu’à vingt-quatre chandelles et enjolivent, comme ils peuvent, leur boutique avec de la verdure et des banderoles en papier. Le dimanche, les filles de Baïa qui ne possèdent qu’un méchant jupon, se couronnent de pampre ou de laurier-rose pour aller à la danse ; elles se font des colliers et des bracelets avec de petites pierres de mosaïque ou des graines d’arbres et tout cela est arrangé avec goût. On s’étonne, dans le Nord, que les femmes italiennes ne sachent pas s’habiller à la mode de France. C’est qu’elles ont le sentiment de la vraie beauté, dont les règles sont fixes et non pas livrées au caprice de la mode. Pourquoi telle forme de chapeau évasée, qui était belle l’année dernière, devient-elle affreuse cette année où il faut les porter étroites ? Si l’une prend l’avantage sur l’autre ou le perd, c’est par une dépravation du goût puisque ni l’une ni l’autre ne sont belles. La beauté italienne repose sur des bases solides ; elle peut se transporter sur une toile ou se mouler en bronze, tandis que l’artiste se consume et finit par échouer devant la beauté rétrécie du Nord et ses ornements de convention. Donnez une serviette à une fillette d’Ischia, elle saura l’arranger sur sa tête et en fera un turban plein de grâce, sans avoir besoin de miroir et tout en marchant dans la rue. Expliquez-lui comme quoi une pèlerine vaut mieux qu’un caraco qui, l’an passé, valait mieux qu’un pèlerine : elle n’y comprendra rien et se mettra à rire.
Deux heures avant l’Angelus, au moment où le soleil a perdu un peu de sa force, quittez le vieux Naples pour aller sur le môle qui s’avance au milieu de la